Exposition à venir

César x Hiquily

  • Exposition Du 17 octobre au 30 novembre 2024
  • Vernissage jeudi 17 octobre 2024 à 18:00
  • Location Espace du 4

Commissaire d’exposition
Thierry VEBRE

Alchimistes du XXe siècle

« Il est grand temps que ce métal cesse d’être meurtrier et simple instrument d’une science trop mécanique. La porte s’ouvre toute grande aujourd’hui à cette matière pour être (enfin !) forgée et battue par de paisibles mains d’artistes » Julio González.

Cœur qui bat, rythme sourd et régulier qui résonne tel le geste répétitif de l’ouvrier venant frapper le métal. Chaleur de la forge… Sous le feu, le métal devient liquide, l’eau se transforme en vapeur. Les muscles se tendent, le sang bouillonne…  Le cœur s’accélère, la main se durcit… Encore quelques coups, le métal s’apprivoise. La machine s’emballe. Petit à petit des morceaux s’en échappent… puis, finalement… il éclate.  

Extase de la création, paroxysme de la pratique humaine. Une composition est née sous les mains rugueuses et fermes du sculpteur. Il expire, essoufflé mais apaisé de découvrir sous ses yeux un petit bout de son âme qu’il est prêt à offrir au monde.  

Véritable alchimie où le métal devient art, cette passion vient aujourd’hui se matérialiser sous les traits des œuvres de deux artistes, Philippe Hiquily et César, réunis dans la nouvelle exposition présentée par la Galerie LOFT du 17 octobre au 30 novembre. Du fer au laiton, de l’acier au bronze ; collecté, assemblé, jeté, soudé, martelé, fondu, patiné… plus qu’un matériau, le métal devient entre leurs doigts une matière vivante à dompter. Oiseaux ou Compressions, Poules ou Girouettes, Funambules ou Cosmonautes, elle s’incarne sous mille formes qui sont autant de sublimation de la matière et de l’espace.

Pourtant, si l’on excepte les œuvres en métal réalisées à Paris par les trois artistes espagnols : Gargallo, Picasso et évidemment Julio Gonzalez, pionnier du métal « direct », à partir des années 1915-20, ce matériau était encore peu considéré en sculpture jusqu’au milieu du XXe siècle. Dans un article publié dans la Revue Combat du 20 juillet 1959, il ne fait pourtant pas de doutes pour le critique et poète Alain Bosquet, que « la sculpture française est redevenue, grâce à trois artistes importants : Germaine Richier, César et Philippe Hiquily, la première du monde, ce qui ne lui était plus arrivé depuis les temps lointains de Rodin et Carpeaux. ». Or le lien qui unissait ces trois artistes, mais aussi leur apport incontestable à la sculpture, est intimement lié à leur amour du métal. Si Richier allait malheureusement décéder à quelques jours après la parution de cet article, celle qu’on surnommait l’Ouragane avait déjà marqué, non seulement l’Histoire de l’art par ses figures hybrides et ses œuvres en plomb, mais aussi le cœur des deux jeunes artistes pour lesquels elle fut un véritable mentor. Ils s’étaient retrouvés dans le rejet presque instinctif des techniques et formes dites « classiques » de la sculpture que César et Hiquily avaient ressenti quasiment dès leur entrée à l’école des Beaux-Arts de Paris où ils partageaient les bancs de l’atelier Gimond. De plus, les temps étant durs en cette période d’Après-Guerre, les matériaux « nobles » étaient trop chers pour les jeunes artistes. C’est donc avec délice qu’ils préféraient plonger au coeur des casses et des friches industrielles pour se transformer en véritables « ferrailleurs » de l’art. Aussi bien pour Hiquily, génie des équilibres et des accouplements improbables, que pour César, véritable poète des processus dynamiques physiques de la compression à l’expansion, les rebuts jetés en tas devinrent alors rapidement une grande source d’inspiration, qu’ils partageaient volontiers entre eux.  

Anecdote parmi tant d’autres, celle du jour où Hiquily dénicha un lot de petites ailettes d’avion abandonnées à leur sort que César le suppliera de lui donner car il savait immédiatement comment les intégrer à une de ses œuvres. Toujours dans le thème de l’aviation, ce dernier, qui avait été grandement marqué par la mort tragique de Léo Valentin, réalisera également à cette période une série de figures Valentin en fer soudé. Ces œuvres « affublées d’une ou deux ailes rappelant celles en bois dont s’équipait cet Icare des temps modernes pour planer » sont décrites dans le catalogue de l’exposition « César : l’exposition » présentée au Centre Pompidou en 2017, comme « témoignant d’une oscillation de César entre figuration du corps et abstraction de l’aile, (…) série (qui) annonce les Plaques verticales que César va entreprendre l’année suivante ».  

À la même époque, Hiquily, de retour de New-York où il avait été encensé suite à deux importantes expositions à la Contemporary Gallery, réalisera une « Action sculpture », en jetant au sol plusieurs éléments de ferrailles qu’il assemblera selon la composition aléatoire qui s’était alors formée au sol.  

Pendant de nombreuses années, ensuite, leur passion continuera de grandir. Ils ne cesseront de renouveler leur pratique artistique en explorant différents types de métaux et en multipliant les techniques de création. Œuvres mobiles ou monumentales, réalisées dans une pratique ludique de la sculpture, elles participent de leur volonté de faire de ce qui n’était au départ qu’un matériau industriel, un véritable support d’esthétique, entre virtuosité de savoir-faire, chocs visuels et réflexions critiques sur le monde d’aujourd’hui.  

Texte écrit par Malika Vinot

Vidéo

Portrait Philippe Hiquily