Bernard Quentin, La vie est belle
En cette période trouble et incertaine chacun réapprend à vivre et à s’adapter à sa manière, mais pour la plupart d’entre nous, les moments d’introspection que nous avons vécu ces derniers mois nous ont aussi permis de nous tourner vers ce qui fait sens dans nos vies. Famille, amis, santé, bonheur et épanouissement personnel… au final c’est la vie elle-même qui s’impose, insatiable et lumineuse.
Au cœur du bourdonnement d’actualités dont nous repaissent les médias ou les réseaux sociaux, une étoile s’est pourtant éteinte dans le plus grand silence. Une étoile formidable, qui brillait encore avec l’énergie d’un cœur d’enfant et la passion d’un jeune homme… à 96 ans passés.
Bernard Quentin était un des derniers artistes contemporains français vivants à avoir bousculé le XXe siècle et l’art des années 1950-70. Ami de Picasso, Boris Vian, Jean-Paul Sartre, Maurice Merleau-Ponty, Anne-Marie Cazalis et Juliette Gréco dont il partageait la vie la fin des années 1940, il participe à de nombreuses expositions à la Galerie Maeght aux côtés de Joan Miró, Alberto Giacometti, Calder et Tàpies et travaille avec Le Corbusier puis Restany avant de parcourir le monde en quête des différentes formes de langage qui ont forgé l’histoire de notre monde. Il devient ainsi un véritable moteur de l’art Sémiotique et enrichit par ses recherches différents domaines de l’écriture automatique au point que Salvador Dalí le considérait comme un véritable « pionnier de l’art cybernétique et de l’écriture électronique ».
Dans les années 1960 il expose au World’s Fair de New York une sculpture gonflable palpitante à respiration programmée, se lie d’amitié avec Liechtenstein et Warhol et devient également le premier designer à concevoir du mobilier 100% gonflables (notamment son Fauteuil Croissant). Ses interventions monumentales dans les paysages, annonciatrices du Land Art le mènent à former en 1977 le collectif L’Art+ en 1977 avec entre autres Jésus Rafael Soto, Jean Messagier, Jean-Pierre Raynaud et Pierre Restany. Il poursuit également ses travaux sur l’« art langage » en développant notamment le projet BABEL 62 (renommé « QuentinBabelweb » en 1998), un langage à base de signes universels graphiques, compréhensible par tous.
Cette volonté de parvenir à établir une forme d’« universalisme » du langage par le biais de l’art prouve combien Bernard Quentin aimait la vie et les hommes, et qu’il a été tout au long de sa vie « un phare vers l’universalité post-moderne de demain » (Pierre Restany). Sa présence et son sourire nous manquerons, mais son œuvre et son parcours parlent d’eux-mêmes. Ils ont su fasciner depuis des décennies de grands collectionneurs ou artistes, dont l’acteur Gérard Depardieu, tombé amoureux de son travail sur le tournage du film Olé réalisé par la femme de l’artiste, la scénariste et réalisatrice Florence Quentin, qui commanditait depuis lors de nombreuses pièces à l’artiste pour sa résidence.
Nous tenions également à saluer le fils de l’artiste, Alexis Quentin, pour le travail formidable qu’il fournit au quotidien afin de faire vivre l’œuvre de cet artiste exceptionnel, grande figure de l’art du XXe siècle, dont la portée considérable de l’œuvre reste encore à découvrir.