Mona «Réécriture coloniale» Kevin-Ademola Sangosanya

Ensemble de 6 panneaux sur bois (6 x 125 x 60 cm) H.250 x L.180 cm

Démarche artistique

J'ai beaucoup été amené à me questionner sur mon identité et sur mon rapport avec l'expérience de vie incarnée : le sentiment d'appartenance en tant que personne biculturelle et Noire dans un contexte social Blanc, la quête de soi, la transcendance. Cette approche à la création très impulsive et viscérale m'a amené à la conception de cartes ou schémas mentaux en tant qu'œuvre finale. L'œuvre devient une représentation du déroulement d'un cheminement intellectuel. Cette approche, très intime et introspective m'a amené à développer une identité visuelle ou la répétition et la superposition ont une place importante.

D'origine Française et Nigériane (Yoruba), j'obtiens en décembre 2019 un diplôme d'ingénieur en agronomie tropicale de l'ISTOM (école d'ingénieur en agro-développement, Angers). Fasciné par la botanique, je me spécialise lors de ma dernière année en Production Végétale Tropicale avant de partir réaliser mon stage et mémoire de fin d'études au Nigeria ou je travaillerai à la reforestation et à la conservation des espèces forestières du pays avec l'IITA (Institut International d'Agriculture Tropicale).

Questionner le rapport que l'être humain entretient aux autres êtres vivants et la narrative qu'il se construit (au travers la culture, le folklore, les croyances et les systèmes de valeur) pour justifier sa place dominante dans le monde est une piste sur laquelle j'oriente mon travail.

Cela passe d'un côté, par donner une voix et mettre en lumière le monde des plantes : la communication avec elles, leurs différents modèles architecturaux, leur cycle de vie, les services écosystémiques qu'elles rendent, leur place dans nos espaces, les liens que les groupes humains entretiennent avec elles, leur personnification...

D'un autre côté cela passe par la mise en lumière du parallèle qui existe entre l'érosion de la biodiversité causée par le modèle économique capitaliste mondialisée actuel et l'érosion que subissent les cultures non occidentales en raison du néo-colonialisme et de la hiérarchisation arbitraire des cultures imposées par le colonialisme. J'aimerais montrer comment ces oppressions sont issues d'une même matrice de pensée qui justifie les dominations économiques, raciales, culturelles, sexistes et spécistes. Cet aspect de ma démarche, même si elle concerne potentiellement toutes les cultures non occidentales, passe par une réappropriation de ma langue et culture Yoruba et de ma place dans l'espace social en tant que personne se définissant comme Noire : étude du folklore et des relations ethnobotaniques traditionnelles Yoruba, réécriture decoloniale de l'histoire Yoruba et de l'évolution des relations humaines à l'environnement naturel au travers les époques, dé-ensauvagement et dé-primitivisassion des cultures et des figures Noires dans les représentations et dans l'imaginaire collectif...

Ces interconnexions entre les environnements et les cultures humaines sont la ligne directrice de mon travail actuel.

Kévin-Ademola Sangosanya